Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

la loge - Page 3

  • Les méduses nous rêvent aussi...

    texte mis initialement en ligne le 25/7/2010

    Entrevues à travers un voile de chaleur: des hallucinations moites, des impressions charnelles offertes aux faibles lueurs d'un néon. Au point de basculement de l'insomnie, les rêves plongent profond. Vais-je accepter à froid cette invitation onirique?

    Insomnie-11.jpg

    Le fil semble ténu, abandonné aux associations d'images et d'idées. Mais pourquoi pas, doucement invité, placé comme dans un cocon? Les chuchotements hors champs planent obscurs, presque inintelligibles, mais esquissent les limites floues d'un voyage onirique en état d'hypnagogie. D'abord un théatre d'ombres blanches, d'étreintes évanouies et de frôlements voluptueux. Les créatures émergent devant moi, êtres hydriques, dévoilées et masquées, flottent avec lenteur comme les méduses entre deux eaux, jettent le trouble. La apparitions surprennent, peut-être vénéneuses. Je suis par moments tenté de m'éveiller mais finalement je poursuis avec ces créatures ce rêve en apnée. Les pensées dérivent et désirent. Les gestes des ces femmes se balancent comme les algues entre deux eaux. Le balancement lourd des langueurs fait se passer quelques longueurs.

    Insomnie-18.jpg

    Les images émergent peu à peu de l'indetérmination aquatique, désormais plus nettes. Je renonce à suivre une structure et accepte d'autres rencontres dans ce songe en labyrinthe, comme elles viennent, me plie à leur rythme: scénettes absurdes, jeux interdits qui basculent dans une drolerie plutôt cruelle, extraits imaginaires d'une comédie musicale mutine. Le metteur en scène ne craint pas d'abuser de demander à des jolies femmes de faire de jolies choses (pour paraphraser le cineaste François Truffaut), mais on ne se résoud pas à le lui reprocher. C'est une chaude nuit d'été et le voyage est plein de belles surprises, jusqu'à l'heure du réveil.

    C'était l'Insomnie des Murènes, m.e.s par Laurent Bazin, à la Loge, repris jusqu'au 17 mars 2011.

    Guy

    Photos de sven Andersen avec l'aimable autorisation de la compagnie Mesden

    Jerome Delatour y était aussi: lire ici.

  • Sex, Drugs & Rock 'n Roll

    Sex, drugs & rock n' roll. En d'autres mots: outrance et tragédie, et déja tout serait dit, de l'épuisement du corps des stars à force de porter en eux le plus noir de nos rêves. Mais notre vision de cette cérémonie se trouve ce soir renouvellé. Ailleurs avec de beaux décalages, entre la scrupuleuse minutie dans les allusions aux vies, morts et postures des personnages vécus/joués par Jim Morrison, Kurt Cobain, une scrupuleuse reconstitution des gestes...et une étrange distance posée dans le traitement de la danse, osée par des appartés à froid, d'une respectueuse ironie. Pour montrer la rock star dans sa pure essence, qui s'accomplirait non dans le leurre de l'acte artistique- le chant, la musique- mais dans l'être qu'on lui prête. Tout vit par le corps de la danseuse, juste appuyée sur quelques symbôles, cuir sixties, t-shirt grunge, ampli Marshall, pied de micro... et la bande son.

     

     

    La fumée blanche nous emporte de l'autre coté. La rumeur, les premiers accords d'un morceau familier. Laissent s'imposer la forte présence de la danseuse, dans l'art d'abord de n'être là qu'à peine. Mais cette présence, de qui est elle? La transe, la course haletante-Let's Run-pourraient être celles d'une ado qui se la jouerait toute seule dans sa chambre, la musique des Doors à fond dans son Ipod, et qui s'enivrerait à se vivre un autre/une autre si rebelle. Kataline Patkai raconte- c'est  plutôt Jim Morrison invoqué qui raconte par sa voix-qu'enfant, il sentit l'âme d'un indien-qui venait de mourir dans un accident- prendre possession de lui, pour ne jamais plus le quitter, depuis. En la matière il n'est ici question de doubles et de fantômes, de sacrifices, d'incarnation et de réincarnations, de volontés que d'autres doivent endosser. Ainsi plus tard- c'est sans doute le moment le plus déchirant de la pièce- Kataline en Kurt Cobain, une fois énumérée la litanie de ses addictions, laisse des bras étrangers mais comme sortis de son corps accomplir les gestes de la drogue et de la mort, sans que le soi ne resiste. Une autre a pris sa place, dont il faut porter le poid.

    La rock star se montre hermaphrodite, prête à satisfaire dans l'imaginaire la fusion des désirs des fans de tous les bords. La pièce est trés sexuée. La danseuse, dans la peau ici de trois hommes mais sans abdiquer sa féminité, fait danser de mouvements de bassin le micro-light my fire. Poitrine nue, laisse surgir un bras-braquemard de sa braguette, pour troubler la distance entre les genres. La première création de Kataline Patakai était intitulée X'XY. Depuis, avec une sourde intelligence, d'une pièce à l'autre et sans dévier, le programme est suivi. Et c'est cela aussi qui me fait porter 3 ans aprés sa création un regard neuf et épaté sur cette partie d'un tout. 

     

    C'était Rock Identity de et avec Kataline Patkai (et Celine Debyser) à la Loge.

    Guy

    videos par Vincent Jeannot

  • Effeuillées

    On voudrait croire encore pouvoir assister ici à quelque chose d'interdit et de dangereux, voire louche, même sulfureux... quand le rouge règne dès l'entrée alors que des créatures se balancent langoureusement dans les alcoves. Mais ce mystère là vite s'évapore, avec le public c'est plutôt la complicité que la provocation qui s'installe, le strip tease définitivement bien apprivoisé, qui d'ailleurs maintenant s'enseigne à l'Ecole Supérieure de Burlesque, même à Micadances, sûrement demain dans toutes les assoc' culturelles entre un cours de tricot et un cours de tango. Tandis que les filles palmées de Tournée font salle comble au T.C.I., que Celine Milliat rechauffe toujours les salles, les trois danseuses de ce Pourpre 26-C, elles aussi, mènent joliement leur affaire. Renoncent à toute surenchère avec la pornographie étalée dans notre quotidien au dehors, charment plutôt qu'effaroucher, choissisent plus que jamais de moins en montrer, persistent à faire du rève avec de la chair, du désir avec du tissu. Obligées de jouer la connivence, la matière étant connue elles surprennent par la manière. A trois interprêtes il ne s'agit pas ce soir d'une succession de numéros mais d'une course de relais, la tension montant chaque fois d'un cran. Ces femmes se parent en mille-feuilles, comme emballées sous des papiers cadeaux, dessous leurs corps mieux que parfaits: tout simplement vrais. Chaque couche qui s'envole en dévoile une nouvelle, en un jeu de détournement à renouveler perpétuellement. Le leurre fonctionne plus que jamais, la réalité du sexe cachée vers son imaginaire. Les tambours font vibrer, le blues donne la chair de poule, les lacets indélassables agacent de tant de complications, les mouvements s'attardent dans les courbes sans jamais déraper, puis font tourner imprévisiblement les caches tétons. Il faudrait des contorsions du cerveau tout aussi spectaculaires pour voir ici des manifestations de féminisme, on en revient, comme de tout temps, au pouvoir derrière la séduction, qui s'alimente d'archétypes en exotismes. Ces voluptées paraissent sans doute bien inoffensives, mais, gestes aprés gestes, les trois danseuses recréent un peu de l'enchantement du corps.

    C'était Pourpre 26-2,  avec Belladonna LaPoison, Cherry Candy, Joy Va Voï, mis en scène par Christine Armanger à la Loge , et encore jusqu'au 6 janvier.

    Guy

  • Copi 2010

    Le génie de Copi, c’est peut-être de savoir comment, jusqu’où et encore repousser les limites,  tabous tombés, nous faire accepter le mauvais goût porté au sublime. On rit jaune, mais on rit, en assistant à ce réveillon qui donne déjà la gueule de bois. Au menu très arrosé: anus de boa truffé aux couilles de rat, sur fond d’infanticide.

    image-666.jpg

    Dans la Tour de la Défense est suggéré un paysage mental seventies, s’y rencontrent les marginaux de l’époque: toxico, pédé, arabe, travelo…  comme dans un refrain de Gainsbourg/Dutronc. Ivres et paumés, bêtes et méchants, désespérés, attachants: dur de les faire exister en se réglant au bon niveau de caricature, mais cette toute jeune troupe réussit à ne pas faire regretter la pourtant mémorable version des lucioles. C’est ce soir brut et direct, emporté voire plus: douches chaudes, sexe, cris, larmes, danse, pied nus et verres cassés. Joué avec le juste ton dans l’inclassable, alors que dans la pièce sont recyclés et transgressés les codes du mélo, du tragique, du boulevard, du polard et du réalisme. Les mots osent et jouissent, les rebondissements emportent le jeu dans la transe et l’hystérie, sont alors bienvenus ces beaux soli en aparté, qui donnent soudain aux personnages une autre épaisseur en mode onirique: la jeune femme juste vêtue d’un grand collier de perles, le garçon qui chante France Gall pathétique… Avant de tous se replonger dans cette fête apocalyptique, rencontre sans issue de noirceurs et d’égoïsmes, jusqu’au denoument-forcement- tragique. La pièce, de 1977, contient en pure insolence, liberté, démesure, ce qui fut Copi-collé par des dizaines de suiveurs audiovisuels, en simple vulgarité. La charge ici est intacte, prête à exploser, laisse encore incrédule. Bon réveillon à tous !

    C’était La Tour De La Défense, de Copi, m.e.s. par Florian Pautasso et Maya Peillon.

    A la Loge, encore les 21/22/23 décembre.

    Guy

    lire aussi: le souffleur